Calcul de l’indemnité réparatrice en matière de marchés publics

Si la possibilité de solliciter une indemnité réparatrice auprès du Conseil d'Etat existe depuis désormais 10 ans, force est de constater que les arrêts rendus sont peu nombreux en matière de marchés publics. Aux termes d’un arrêt du 25 septembre 2024, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur les conditions d'octroi d'une indemnité réparatrice en matière de marchés publics, ce qui constitue l’occasion pour Cyrille Dony de rappeler le mode de calcul d’une telle indemnité.

Depuis son entrée en vigueur le 1er juillet 2014, l’article 11bis des lois sur le Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, prévoit que « toute partie requérante ou intervenante qui poursuit l’annulation d’un acte, d’un règlement ou d’une décision implicite de rejet en application de l’article 14, § 1er ou § 3, peut demander à la section du contentieux administratif de lui allouer par voie d’arrêt une indemnité réparatrice à charge de l’auteur de l’acte si elle a subi un préjudice du fait de l’illégalité de l’acte, du règlement ou de la décision implicite de rejet, en tenant compte des intérêts publics et privés en présence ».

Dans le cadre de la réglementation relative aux marchés publics, la possibilité de solliciter des dommages et intérêts est rappelée à l’article 16 de la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l’information et aux voies de recours en matière de marchés publics, de certains marchés de travaux, de fournitures et de services et de concessions.

Cette disposition prévoit que « [l]’instance de recours accorde des dommages et intérêts aux personnes lésées par une des violations visées à l’article 14 commise par l’autorité adjudicatrice et précédant la conclusion du marché ou de la concession, à condition que ladite instance considère comme établis tant le dommage que le lien causal entre celui-ci et la violation alléguée ». En son alinéa 4, l’article 16 précité ajoute que « [l]’indemnité réparatrice visée à l’article 11bis des lois sur le Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, constitue des dommages et intérêts ou une indemnité forfaitaire au sens du présent article ».

Si la possibilité de solliciter une indemnité réparatrice auprès du Conseil d’Etat existe donc depuis désormais dix ans, force est de constater que les arrêts rendus en la matière sont peu nombreux s’agissant des marchés publics. A ce jour, seuls une quinzaine d’arrêts ont en effet été rendus suite à une demande d’indemnité réparatrice s’inscrivant dans le cadre d’un marché public.

Dans un arrêt n° 260.794 du 25 septembre 2024, le Conseil d’Etat s’est une nouvelle fois prononcé sur   les conditions d’octroi d’une indemnité réparatrice en matière de marchés publics, ce qui constitue l’occasion de rappeler le mode de calcul d’une telle indemnité.

Afin de déterminer le montant de l’indemnité, le Conseil d’Etat considère qu’à défaut d’une démonstration permettant de fixer le montant de l’indemnité de manière plus précise, l’indemnité est fixée à 10 % du chiffres d’affaires généré dans le cadre de l’exécution du marché litigieux. A cet égard, le Conseil d’Etat souligne que, certes, « le législateur n’a prévu l’application d’un montant d’indemnité forfaitaire que lorsqu’un soumissionnaire est irrégulièrement évincé à l’occasion d’un marché attribué sur la base du seul critère du prix. Force est toutefois de constater qu’en fixant à 10 % l’indemnité forfaitaire due au soumissionnaire irrégulièrement évincé (article 16, alinéa 3, de la loi du 17 juin 2013 relative à la motivation, à l’information et aux voies de recours en matière de marchés publics, de certains marchés de travaux, de fournitures et de services et de concessions), il a procédé à une évaluation ex aequo et bono du dommage subi. La circonstance que le marché est attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base de critères qualité/prix est, en règle, sans incidence sur le pourcentage de l’indemnité pouvant être obtenue. L’article 11bis des lois coordonnées, qui impose au Conseil d’Etat de tenir compte des intérêts publics et privés, permet le recours à une telle méthode, pour éviter de longues et coûteuses expertises qui seraient nécessaires à l’établissement du dommage exactement subi. En effet, ainsi qu’il a déjà été souligné, l’indemnité réparatrice constitue une notion autonome se distinguant en particulier de la réparation du dommage sur la base des dispositions du Code civil. »

Le Conseil d’Etat a, en outre, accordé à la partie requérante (1) des intérêts compensatoires calculés au taux légal à partir de la date d’attribution du marché litigieux à la date du prononcé de son arrêt et (2) des intérêts moratoires calculés au taux légal à dater de l’arrêt jusqu’au complet paiement.

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