Décision de renoncer à l’attribution d’un marché public en raison d’un critère de sélection peu clair
Rappel des faits
Dans le cadre d’un marché public de fournitures de candélabres pour l’éclairage public, le pouvoir adjudicateur a procédé au retrait de la décision d’attribution et a renoncé à l’attribution du marché
L’un des soumissionnaires a toutefois contesté la décision de renoncer à l’attribution du marché en critiquant sa motivation formelle et matérielle, d’une part, et son caractère arbitraire et discriminatoire, d’autre part.
Principes et dispositions applicables
L’article 85 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics prévoit que « L’accomplissement d’une procédure n’implique pas l’obligation d’attribuer ou de conclure le marché. Le pouvoir adjudicateur peut soit renoncer à attribuer ou à conclure le marché, soit recommencer la procédure, au besoin d’une autre manière ».
Il ressort de la disposition précitée que le législateur a explicitement prévu la possibilité de mettre fin à une procédure de marché public non seulement avant l’attribution du marché mais également entre celle-ci et la conclusion du contrat. Le législateur n’a pas conditionné la mise en œuvre de cette faculté au respect d’une quelconque exigence quant à la légalité ou à la régularité des phases antérieures de la procédure et n’a pas opéré de distinction à cet égard entre la décision de ne pas attribuer ou celle de ne pas conclure le marché.
La possibilité offerte par la loi au pouvoir adjudicateur d’abandonner une procédure ne l’exempte pas de son obligation de motiver sa décision. Si la décision de renoncer à une procédure d’attribution d’un marché relève de son pouvoir discrétionnaire, il n’en reste pas moins que cette décision doit être fondée sur des motifs exacts, pertinents et admissibles, repris dans une motivation formelle.
Décision du Conseil d’Etat
Aux termes de son arrêt n° 249.466 du 12 janvier 2021, le Conseil d’Etat a observé que la décision de renoncer à l’attribution du marché se fondait sur les motifs suivants :
– il est apparu à l’occasion du réexamen des offres que le libellé du critère de sélection qualitative à caractère technique et professionnel est peu clair et difficilement praticable ; ce critère serait inopérant et, à tout le moins, non proportionné à l’objet et la valeur du marché ;
– il ressort de l’analyse des offres qu’aucun des soumissionnaires ne fournit trois références respectant toutes les conditions fixées par le critère ;
– surabondamment, le cahier spécial des charges n’est pas suffisamment clair eu égard au recours par les soumissionnaires à la capacité de tiers, en ce qu’il n’indique pas sous quelle forme le soumissionnaire, doit apporter la preuve du recours à la capacité de tiers.
Après avoir examiné le cahier spécial des charges ainsi que les offres déposées, le Conseil d’Etat a estimé qu’en ce qui concerne le premier motif de la décision attaquée, le pouvoir adjudicateur a pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, qu’en raison d’une divergence potentielle d’interprétation relative au nombre de clients de référence, le critère de sélection n’était ni clair ni univoque. Malgré une décision d’attribution déjà adoptée, le pouvoir adjudicateur a ainsi pu reprendre en considération toute la procédure ainsi que son analyse antérieure des offres, y compris quant à la sélection qualitative des soumissionnaires au marché, et estimer que ce critère n’était pas rédigé de manière à être compris de la même manière par tous les soumissionnaires.
Le Conseil d’Etat a ensuite rappelé que, quelle que soit la liberté dont jouit le pouvoir adjudicateur dans la définition des critères de sélection, ceux-ci doivent être formulés d’une manière telle que tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement soigneux doivent être en état de les interpréter de la même manière. Il ne peut, par ailleurs, être admis qu’à raison de l’ambiguïté d’un critère, résultant de la contradiction entre la manière dont il est défini par les documents du marché et l’interprétation qu’en donne le pouvoir adjudicateur aux soumissionnaires, certains de ceux-ci puissent se méprendre sur la signification de ce critère et que cette méprise, imputable au pouvoir adjudicateur, conduise à une comparaison faussée des offres en présence.
Selon le Conseil d’Etat, le pouvoir adjudicateur a dès lors pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que le critère de sélection concerné est « peu clair », « difficilement praticable » et, partant, inopérant.
S’agissant du deuxième motif de la décision attaquée, le Conseil d’Etat a jugé que le pouvoir adjudicateur a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, indiquer, dans décision en cause, qu’aucun des soumissionnaires, en ce compris la requérante, n’a fourni trois références pour un même client, exécutées ou en cours d’exécution au cours des trois dernières années précédant la date ultime d’introduction des offres. Le pouvoir adjudicateur a dès lors pu raisonnablement considérer qu’il y avait lieu de renoncer à attribuer le marché et de revoir le cahier spécial des charges en vue d’une relance ultérieure du marché.
Le troisième motif de la décision attaquée n’a, quant à lui, pas été examiné par le Conseil d’Etat dès lors qu’il était mentionné à titre surabondant et que les deux premiers motifs de la décision permettaient, selon le Conseil d’Etat, de justifier ladite décision.
Par voie de conséquence, la demande de suspension d’extrême urgence a été rejetée.
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