Point de départ du délai de 12 jours pour répondre à une demande de justification de prix
Rappel des faits
Dans le cadre d’un marché public de travaux, trois soumissionnaires ont été invités à justifier des prix présentant une apparence d’anormalité et ce, dans un délai de 12 jours à dater de l’envoi de la demande de justification.
Le pouvoir adjudicateur a toutefois estimé que l’un soumissionnaire avait remis ses justifications de prix hors délai de sorte que ces dernières n’ont pas été prises en compte et que l’offre du soumissionnaire en question a été déclarée nulle pour cause d’irrégularité substantielle.
Le soumissionnaire en cause a toutefois saisi le Conseil d’Etat d’une demande en suspension d’extrême urgence afin de contester le caractère tardif de l’envoi de ses justifications de prix.
Principes et dispositions applicables
Conformément à l’article 84 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, le pouvoir adjudicateur a l’obligation de procéder à une vérification concrète des prix ou coûts des offres introduites afin de s’assurer que le prix proposé peut garantir une exécution du marché conforme aux exigences édictées par les documents du marché et aux prestations proposées par les soumissionnaires.
En cas de prix présentant une apparence d’anormalité, l’article 36, § 2, de l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques prévoit ce qui suit :
« Lors de l’examen des prix ou des coûts, le pouvoir adjudicateur invite le soumissionnaire à fournir les justifications écrites nécessaires relatives à la composition du prix ou du coût considéré comme anormal dans un délai de douze jours, à moins que l’invitation ne détermine un délai plus long […].
La charge de la preuve de l’envoi des justifications incombe au soumissionnaire.
[…] ».
L’article 36, § 3, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 18 avril 2017 ajoute que « le pouvoir adjudicateur apprécie les justifications reçues et :
1° soit constate que le montant d’un ou de plusieurs poste(s) non négligeable(s) présente(nt) un caractère anormal et écarte l’offre en raison de l’irrégularité substantielle dont elle est entachée ;
2° soit constate que le montant total de l’offre présente un caractère anormal et écarte l’offre en raison de l’irrégularité substantielle dont elle est entachée ;
3° soit motive dans la décision d’attribution que le montant total de l’offre ne présente pas de caractère anormal. »
Décision du Conseil d’Etat
Dans le cadre du marché public en cause, le pouvoir adjudicateur a constaté des prix ayant une apparence d’anormalité chez trois soumissionnaires de sorte qu’il a invité ceux-ci à justifier leurs prix dans un délai de 12 jours, conformément à l’article 36, § 2, de l’arrêté royal du 18 avril 2017.
Les justifications de prix de l’un des trois soumissionnaires n’ont toutefois pas été prises en compte par le pouvoir adjudicateur dès lors qu’elles ont été transmises plus de 12 jours – à savoir 14 jours – après l’envoi de l’invitation à justifier les prix. Selon le soumissionnaire concerné, le délai de 12 jours doit, en réalité, être calculé à partir de la réception du courrier de sorte qu’en l’espèce, les justifications ont été transmises dans le délai imparti et auraient donc dû être prises en considération.
Aux termes de son arrêt n° 253.125 du 28 février 2022, le Conseil d’Etat a estimé que les termes de l’article 36 de l’arrêté royal du 18 avril 2017 ne permettent pas de considérer que c’est exclusivement à la date d’envoi de l’invitation à justifier les prix que prend cours le délai de 12 jours accordé au soumissionnaire concerné. Cette disposition fait, en revanche, clairement apparaître que le soumissionnaire invité à justifier des prix doit disposer d’au moins 12 jours pour ce faire, le pouvoir adjudicateur ayant la faculté d’accorder un délai plus long.
Dans la mesure où le courrier d’invitation à justifier les prix a été envoyé le vendredi 23 avril 2021, le Conseil d’Etat a considéré que rien ne permettait d’établir que le soumissionnaire concerné aurait pu le recevoir avant le lundi 26 avril 2021. En retenant la date d’envoi du courrier (23 avril 2021) comme point de départ du délai, le pouvoir adjudicateur n’a dès lors pas permis aux soumissionnaires interrogés de bénéficier d’un délai d’au moins 12 jours.
En computant le délai litigieux à partir du 23 avril 2021 pour décider que les justifications transmises après le 5 mai 2021 étaient nécessairement tardives, le pouvoir adjudicateur a donc appliqué l’article 36, § 2, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 18 avril 2017 en l’interprétant dans un sens qui ne garantit pas aux soumissionnaires le bénéfice du délai minimal de douze jours auquel ils devaient pouvoir prétendre.
Par voie de conséquence, l’exécution de la décision d’attribution attaquée a été suspendue par le Conseil d’Etat.
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